Trois cents veuves de tous les 4 districts de la ville de Kinshasa avaient adressé au gouvernement un mémorandum à l’occasion de la journée internationale de la femme veuve en juin dernier. Elles ont demandé à l’exécutif national de préserver leurs droits tout en déplorant qu’elles sont victimes de beaucoup de discriminations. C’était aussi l’occasion pour elles de rappeler aux autorités politiques les problèmes auxquelles elles sont confrontées après le décès de leurs conjoints.
Le plus grand de tous ces problèmes est le désheritage. C’est très courant de voir la veuve soumise à plusieurs violences de la part de sa belle-famille dès que son mari est décédé. Il s’agit entre autres de la confiscation de la parcelle et des autres biens du couple.
“La vie allait bien jusque quand notre papa a été assassiné en 2006. Le malheur ne vient jamais seul. Les oncles et tantes paternels se sont levés. Ils nous ont ravi deux parcelles au quartier GB. Pire encore, ils ont commencé à poursuivre celle que nous habitions”, regrette Isabelle, orpheline, 17 ans et nouvelle diplômée d’État, qui dit avoir étudié grâce aux efforts inlassables de la mère, Céline, 43 ans.

La petite famille orpheline ne veut pas se dévoiler par peur des représailles de la famille du défunt. “Depuis un certain temps, nous préférons vivre en cachotterie. Nous ne voulons pas avoir des nouvelles de la famille de papa. Nous ne voulons pas non plus nous venger. A Dieu la vengeance car il est le père des orphelins et le mari des veuves”, se console Isabelle. Sa mère justifie son silence par la crainte des fétiches et sorcellerie de sa belle-famille.
“Le jour où j’ai posé les problèmes de mes droits, le beau-père m’a dit clairement que j’allais perdre ma vie si je continuais sur cette lancée-là. Je n’avais aucun droit car c’est lui seul qui avait connu le secret de la réussite de mon mari, son fils”, révèle Céline en soulignant qu’à chaque fois qu’elle a reçu un don de cette belle-famille, “il y a toujours un malaise dans sa petite paisible famille”. “Soit c’est moi, qui connais quelques difficultés, soit c’est mon unique fille qui tombe malade”, atteste-t-elle.
Le veuvage à l’origine du mépris
La vie sans son mari est vécue différemment. Si pour Céline, la belle-famille a ravi quelques biens, ce n’est pas le cas de Charlotte, qui, en plus des biens confisqués, a été accusée de sorcellerie. “Ils ont dit que c’est moi l’origine de la mort de leur fils et frère. C’était juste un moyen pour le noyer car quand on veut tuer son chien, on l’accuse de rage”, argumente-t-elle.

Selon cette quinquagénaire, mère de 5 enfants, la vie de veuvage est la pire chose qui lui soit arrivée dans la vie. “Je suis parvenue à me demander pourquoi se marier si un tel drame attend une femme quand elle perd son mari ? Je me bats seule pour mes enfants et Dieu a aidé car 3 sont déjà à l’université”, se réjouit-elle tout en gardant de très mauvais souvenirs.
Toutes les violences dont elle a été victime de la part de sa belle-famille sont restées siennes. “Je n’ai pas voulu ouvrir le procès car je n’avais pas des moyens financiers conséquents pour le faire aboutir. Eux ont récupéré tous les biens, donc ils étaient en bonne position pour comprendre les juges… c’est ainsi que j’ai résolu de me concentrer sur mes enfants car j’estime que c’est le meilleur cadeau que mon mari m’a laissé”, a-t-elle soutenu.
Dépouiller complètement la veuve
Plusieurs veuves comme Charlotte ne veulent pas dénoncer leurs belles familles. Elles se taisent par peur de voir mourir leurs enfants. Raison ? Ces belles-familles recourent souvent à des pratiques traditionnelles pour jeter de mauvais sorts aux orphelins. L’objectif est de dépouiller complètement la veuve de tout droit de l’héritage.
Pour certaines, l’ignorance, l’analphabétisme, la peur, la coutume les contraignent à se taire. Le veuvage est le lit de divers drames pour plusieurs femmes. Pressions, dépressions, humiliations, tristesse, chagrins…sont le lot quotidien de plusieurs veuves. Pourtant, le code de la famille congolais est clair : la veuve et les orphelins ont droit à l’héritage même s’il n’y a pas de testament après la mort du père.
La sensibilisation reste l’une des solutions pour mettre fin au drame que connaissent les veuves congolaises.
Rédaction